Passé ou Pas-assez ?
Beaucoup trop souvent je suis plongée dans une temporalité qui n’existe plus ou pas encore. Après une (trop) longue période à m’angoisser d’un avenir soigneusement concocté par mon cerveau, me voilà davantage et vicieusement bercée dans les bras du passé. Empreinte d’une nostalgie chaque jour irrémédiablement un peu plus déformée, je n’apprends toujours pas à me délecter de ce qui compte vraiment : ce qui se passe là tout de suite maintenant.
Quoique rien que le fait de dire ça, je me rends compte que c’est déjà une belle étape de franchie !
Toujours est-il que je me surprends encore trop souvent à me dire “c’était ceci”, “c’était cela”, et “patati et patata”. Comme si ce qui arrivait aujourd’hui ne pouvait pas égaler ces instants qui de surcroît – ironie – n’étaient probablement pas vécus à leur juste valeur à l’instant T. Why the fucking fuck? Un vrai crotalus qui se mord la sonnette.
[ Crotalus, tantôt Atrox tantôt Horridus, est couramment désigné comme « serpent à sonnette » en raison de son bruiteur, aussi appelé cascabelle (excepté chez Crotalus catalinensis), imitant admirablement le bruit de crécelle mais qu’il ne peut entendre lui-même car comme tous les serpents, il est sourd. ]
Je m’égaaare
J’aurais presque envie de proposer une nouvelle orthographe du terme “passé”, à vrai dire à le scinder en deux mots : “pas-assez”. Comme si nous n’avions pas profité à 100% de ces instants jusqu’à nous morfondre sur le pourcentage délaissé, comme si nous restions sur notre faim car nous ne les avions PAS ASSEZ croqués à pleines dents.
Et pourtant il n’appartient qu’à nous de s’immerger totalement dans chaque instant pour éviter cette sensation d’insatiabilité. Quand un délicieux menu se présente à vous dans toute sa succulence – qui plus est avec un tiramisu en dessert – préfèreriez-vous vous contenter de le gober à toute vitesse en regardant votre iPhone (ou encore opter pour une séance food-porn dans le but ultime d’obtenir LA photo Instagram en laissant les plats refroidir) ? Ou vous laisser attendrir par cette petite voix “dégustez-le pleinement et en toute conscience et à la bonne température, faites vibrer vos papilles, laissez-vous tenter par cet irraisonnable plat de clôture full mascarpone” ?
Car là oui, non seulement vous vous souviendrez de ce moment avec délectation, mais il y a également fort à parier qu’il n’entravera pas votre capacité à profiter de chaque nouveau CADEAU, ou devrais-je dire PRÉSENT !
Bon vous vous doutez certainement que je pensais bien davantage à d’autres exemples plus intimes qu’un tel repas (même si le tiramisu et moi vivons une relation très passionnelle). Mais cela me fait encore plus prendre conscience que j’ai le pouvoir de rééquilibrer la situation.
Alors cher Passé, mettons fin à cette relation stérile; tu changeras pas, en plus t’existe plus, laisse-moi oklm déballer mon CADEAU et
foutons-nous la paix. Cordialement.
En parlant de cadeau, dernière trouvaille de pépite auditive :